Marie-Claire Dubois dirige Optim'RH, un cabinet de conseil en ressources humaines basé à Valenciennes. En trois ans, son chiffre d'affaires est passé de 180 000 € à 420 000 €. Sa stratégie principale ? Un investissement méthodique dans le réseau professionnel local. Voici son parcours, ses méthodes et les enseignements transposables à d'autres activités.
Le point de départ : une activité qui stagne
Le constat initial
Créée en 2019, Optim'RH proposait des missions classiques de conseil RH : recrutement, formation, audit organisationnel. "Je travaillais essentiellement avec trois gros clients historiques qui représentaient 70% de mon CA", explique Marie-Claire. "C'était confortable mais dangereux. Je le savais, sans savoir comment diversifier."
Les tentatives de prospection traditionnelle avaient donné des résultats médiocres :
- Campagnes emailing : taux de retour inférieur à 0,5%
- Démarchage téléphonique : chronophage et peu efficace
- Publicité locale : coûteuse pour un retour difficilement mesurable
La prise de conscience
"C'est en perdant un client important en 2021 que j'ai réalisé l'urgence. Du jour au lendemain, 25% de mon CA disparaissait. J'avais trois mois de visibilité maximum."
Cette crise a déclenché une remise en question profonde de l'approche commerciale du cabinet.
L'entrée dans le réseau : premiers pas et apprentissages
Le choix des bonnes structures
Marie-Claire a testé plusieurs formats de réseau avant de trouver sa formule :
Les clubs d'affaires traditionnels : "J'ai participé à un BNI pendant six mois. Le format très codifié ne me correspondait pas, et le coût annuel (près de 2 000 €) me semblait disproportionné pour mes moyens de l'époque."
Les réseaux institutionnels : "La CCI proposait des événements intéressants mais trop généralistes. Je me retrouvais à discuter avec des secteurs trop éloignés du mien."
Les réseaux locaux spécialisés : "C'est en rejoignant Connect HDF que j'ai trouvé le bon équilibre : une communauté à taille humaine, des entrepreneurs qui se connaissent vraiment, et surtout une philosophie d'entraide plutôt que de prospection agressive."
Les premiers mois : investir sans attendre de retour
"Mon erreur initiale a été d'attendre des résultats immédiats. Les premiers événements, je distribuais mes cartes de visite à tout le monde, je parlais de mes services dès que possible. Résultat : zéro contact qualifié."
Le déclic est venu d'un conseil d'un entrepreneur plus expérimenté : "Il m'a dit : arrête de vendre, commence par aider. Le business viendra naturellement."
Marie-Claire a alors changé radicalement d'approche :
- Écouter les problématiques des autres avant de parler des siennes
- Proposer son expertise gratuitement sur des questions ponctuelles
- Mettre en relation des contacts qui pouvaient s'entraider
La méthodologie développée : une approche systématique
Le système de suivi relationnel
"J'ai créé un fichier que j'appelle mon 'capital relationnel'. Pour chaque personne rencontrée, je note : son activité, ses enjeux du moment, les connexions possibles avec d'autres contacts, et surtout ce que je peux faire pour l'aider."
Ce fichier, initialement sur Excel puis migré vers un CRM adapté (Notion), compte aujourd'hui plus de 400 contacts qualifiés.
Les règles de suivi :
- Relancer chaque contact au minimum une fois par trimestre
- Partager des articles ou informations utiles à leurs problématiques
- Proposer des mises en relation pertinentes
- Féliciter pour les succès (veille LinkedIn)
La stratégie de contenu local
Marie-Claire a développé une présence d'expert sur les sujets RH spécifiques au territoire :
"J'ai commencé à publier des analyses sur les enjeux RH des PME des Hauts-de-France : difficultés de recrutement dans l'industrie, adaptation aux nouvelles formes de travail, problématiques de transmission d'entreprise..."
Ces contenus, partagés dans les groupes locaux et lors des événements, ont progressivement établi sa légitimité :
- Newsletter mensuelle : 850 abonnés actifs
- Interventions dans les événements locaux : 8 à 10 par an
- Articles invités dans la presse économique régionale
La réciprocité active
"Le principe le plus important que j'ai appris : donner avant de recevoir, mais donner intelligemment."
Concrètement :
- Recommandations actives : Marie-Claire a mis en place un système où elle recommande en moyenne 3 prestataires par mois à ses clients
- Partage de ressources : modèles de contrats, grilles de rémunération, veille juridique
- Introductions qualifiées : pas de mise en relation à l'aveugle, mais des connexions préparées
Les résultats concrets : analyse chiffrée
L'évolution du portefeuille clients
2021 (avant réseau) :
- 12 clients actifs
- Concentration : 3 clients = 70% du CA
- Durée moyenne de relation : 8 mois
- CA : 180 000 €
2024 (après 3 ans de réseau) :
- 34 clients actifs
- Concentration : 3 premiers clients = 35% du CA
- Durée moyenne de relation : 18 mois
- CA : 420 000 €
L'origine des nouveaux clients
Sur les 22 nouveaux clients acquis sur la période :
- 14 (64%) : recommandation directe d'un membre du réseau
- 5 (23%) : contact suite à un événement ou une prise de parole
- 3 (13%) : prospection classique ou autres canaux
Le coût d'acquisition client
"Mon coût d'acquisition client a été divisé par 4. Avant, entre le temps de prospection, les outils et la publicité, j'estimais qu'un nouveau client me coûtait environ 2 000 €. Aujourd'hui, c'est autour de 500 €, principalement en temps passé au réseau."
Les enseignements transposables
Ce qui fonctionne dans tous les secteurs
1. La patience stratégique "Les premiers résultats tangibles sont venus après 8 à 10 mois. Il faut accepter cette phase d'investissement sans retour immédiat."
2. La spécialisation territoriale "Être l'expert de son domaine sur son territoire crée une barrière à l'entrée naturelle. Les grandes structures nationales ne peuvent pas répliquer cette proximité."
3. La constance "Participer à un événement de temps en temps ne sert à rien. C'est la régularité qui construit la confiance. Je bloque systématiquement deux demi-journées par mois pour le réseau."
Les erreurs à ne pas reproduire
La précipitation commerciale "J'ai perdu des contacts prometteurs au début en passant trop vite en mode 'vente'. Les gens le sentent et se ferment."
L'éparpillement "J'ai voulu être partout au début : 4 réseaux différents, présence sur tous les événements. C'est contre-productif. Mieux vaut 2 réseaux où l'on est vraiment actif que 5 où l'on est un visage parmi d'autres."
La négligence du suivi "Rencontrer quelqu'un une fois ne sert à rien si on ne maintient pas le contact. 80% de la valeur est dans le suivi."
La vision pour l'avenir
Marie-Claire envisage maintenant de structurer davantage son approche :
- Création d'un club RH local réunissant ses clients et prospects
- Partenariats formalisés avec des cabinets complémentaires (comptables, avocats)
- Mentorat auprès des jeunes entrepreneurs du réseau
"Le réseau m'a appris que le business n'est pas un jeu à somme nulle. Plus je donne, plus je reçois. Cette philosophie a transformé mon rapport à l'entrepreneuriat et mes résultats le prouvent."
Les conseils pratiques pour démarrer
Pour ceux qui souhaitent s'inspirer de cette approche :
- Choisissez 2 réseaux maximum et investissez-vous vraiment dedans
- Fixez-vous des objectifs de contribution : nombre de mises en relation, de contenus partagés
- Créez votre système de suivi dès le premier contact
- Bloquez du temps dédié : le réseau ne se fait pas "quand on a le temps"
- Mesurez vos résultats : origine des clients, valeur du bouche-à-oreille
Le réseau professionnel local reste l'un des leviers les plus puissants et les moins coûteux pour développer une activité de services. À condition d'y investir avec méthode et patience.

